lundi 3 septembre 2012

Une saison « modianesque »




Fin août, début septembre : ce moment qui n’est déjà plus les vacances mais qui n’est pas encore « la rentrée », il existe donc aussi ici, dans cette ville du Moyen Orient. Rentré de mon séjour en Crimée, je retrouve la ville moins bruyante et les derniers jours du ramadan accentuent encore cette impression étrange (rues désertes et sombres, mais des lumignons aux balcons, des fenêtres éclairées d’où montent des rumeurs joyeuses) ; les couloirs, les bureaux sont presque déserts (beaucoup de collègues, ceux qui ont des enfants, ne seront de retour ici que pour la rentrée du lycée français), des ventilateurs brassent un air encore chaud…

Cette sensation – ville déserte, journées blanches, soirées longues et lentes, nuits d’été, impression intérieure de flottement – je l’avais d’abord connue et aimée lorsque je travaillais dans des bureaux près du métro Ternes. La sensation de vide heureux que j’avais alors connue, après les heures de bureau, en déambulant au hasard entre les boulevards des Maréchaux, l’Etoile, le Trocadéro, le quartier de l’Europe, le parc Monceau et la gare Saint-Lazare, m’arrêtant parfois dans des bars au style design du début des années 60 et où j’étais le seul client, découvrant certaines rues totalement désertes de ces quartiers plutôt luxueux avec l’impression étrange d’être hors du temps – cette sensation, je l’ai retrouvée quelques années plus tard en lisant Quartier perdu de Patrick Modiano, dépeinte avec une acuité prodigieuse dans ces notations minimalistes, dans cette narration lâche et erratique qui sont le style même de leur auteur (ou du moins d’une partie de son œuvre, celle qu’épargnent les ombres de l’occupation : en particulier Du plus loin de l’oubli et, dernièrement, L’horizon).

A l’époque où je l’ai lu, ce livre était déjà publié en édition de poche, dans la collection Folio. Sa couverture, illustrée par Pierre Le Tan représentait, de nuit, cette pagode de l’angle de l’avenue de Courcelles et de la rue Rembrandt, qui m’avait si souvent servi de point de repère lorsque j’arpentais ce même « quartier perdu ».

Quelqu’un saurait-il pourquoi Pierre Le Tan, dont le style graphique correspondait si bien à l’univers de Modiano, n’illustre plus les couvertures de l’auteur dans la collection Folio ? J’aime moins les photos en noir et blanc qui, depuis Dora Bruder je crois, ont remplacé ces dessins.

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