Avant que je
ne quitte la France, une femme m’a accordé l’inappréciable honneur de partager
son intimité. Cette femme est mariée et se trouve être sensiblement plus âgée
que moi. Je ne ferai pas ici (du moins pas cette nuit) l’éloge des femmes
adultères. Je ferai l’éloge de sa peau et de son âge.
Outre son
aspect stéréotypé, l’opinio communis quant aux femmes mûres, qui vante leur
« savoir-faire », leur « expérience », leur
« disponibilité », m’agace : on dirait que reconnaître leurs
qualités d’amantes semble exclure qu’elles puissent, pour elles-mêmes, susciter
le désir ; comme si, implicitement, le corps d’une femme de plus de
quarante ans était toujours moins
désirable que celui d’une jeune fille de dix-huit ans.
En ce qu’elle
est généralisation abusive, cette doxa est déjà une absurdité : pour ne
parler que de moi, j’ai toujours été (infiniment)
plus attiré par une croupe aux formes pleines et bien cambrée chez une femme
mûre que par des fesses plates chez une post-adolescente.
Mais cette
idée reçue va aussi à l’encontre de certains de mes goûts sensuels les plus
profonds. J’entends déjà le contre-argument des juvénophiles : certes, me
diront-ils, une jeune fille de dix-huit ans peut être moins bien faite qu’une
femme de plus de quarante ans, mais il y aurait l’incomparable fraîcheur, la
douceur sans pareil, l’inégalable fermeté d’une peau jeune. C’est cet
argument-là que je voudrais réfuter.
Tout d’abord,
il peut y avoir, dans une peau mûre, un charme pour ceux qui sont sensibles à la
beauté de l’automne, au bonheur du temps qui passe : pour ceux-ci, une
ride, un amollissement de la chair, un léger desséchement de la peau,
l’apparition de taches de son ne seront pas des signes de flétrissure, mais au
contraire comme une patine émouvante et même un embellie glorieuse. (Comme, à
l’opéra, le vieillissement d’une voix de soprano qui, dans le Chevalier à la rose, passe du rôle de Sophie à celui de la
Maréchale.) Je suis de ceux-là, on l’aura deviné.
Mais ne
sublimons pas outre mesure : je trouve aussi (et peut-être même surtout)
une qualité sensuelle toute particulière à certaines peaux mûres. C’est que je
suis – sur le plan visuel, sur le plan tactile – sensible aux textures et aux
grains denses, complexes, riches, contrastés (et cela vaut aussi bien pour la
peinture que pour la peau des femmes : j’ai instinctivement envie de
toucher la matière d’un Rembrandt ou d’un Zao Wou-ki). Particularité sensuelle qui explique à l’évidence mon goût extrême (mon appétit
immodéré, même) pour les peaux de certaines femmes mûres (comme sans doute cet
autre, pour les peaux de certaines femmes noires).
Pour moi, ce
qui est incomparable, ce n’est pas le lissé pâle – la fadeur, pour tout dire –
des peaux jeunes : ce sont, par exemple, les sillons qui parcheminent en
sécheresse le dessus d’une main tandis que la peau semble s’alourdir du poids
de la chair sur les cuisses, les fesses ou les seins ; c’est la tavelure
qui déploie sa granulation brune, rousse, fauve sur les épaules, les bras, le
haut du décolleté tandis que sous la peau restée plus laiteuse des cuisses, des fesses
et des seins ressort avec plus d’insistance le lacis bleuté des veines…
La femme admirable dont
je parlais en commençant ces lignes m’a autorisé à photographier son corps. Ce sont ces photographies que je regarde cette nuit. Ce n'est pas l'une d'entre elles, bien sûr, qui illustre cet article, quoi que c’en fût
l’illustration idéale, mais cette photographie pornographique s’en rapproche au
mieux (celle-là, je ne la retoucherai pas : je ne veux pas évoquer une
image mentale, mais célébrer la matérialité d’une chair).
:) que de vérité...
RépondreSupprimerLa femme peut senitr ce même sentiment à l'égard d'un homme...
La jeunesse à ses vertus, l'age mûr en à d'autres, les chairs sont diffèrente mais Le goût de l'une ou de l'autre reste à délicieuse.
Ah oui ?
RépondreSupprimerS'agissant de goût, c'est quelque chose de tellement complexe et subjectif, tout à la fois.