jeudi 28 juin 2012

Eloge d’une peau mûre





Avant que je ne quitte la France, une femme m’a accordé l’inappréciable honneur de partager son intimité. Cette femme est mariée et se trouve être sensiblement plus âgée que moi. Je ne ferai pas ici (du moins pas cette nuit) l’éloge des femmes adultères. Je ferai l’éloge de sa peau et de son âge.

Outre son aspect stéréotypé, l’opinio communis quant aux femmes mûres, qui vante leur « savoir-faire », leur « expérience », leur « disponibilité », m’agace : on dirait que reconnaître leurs qualités d’amantes semble exclure qu’elles puissent, pour elles-mêmes, susciter le désir ; comme si, implicitement, le corps d’une femme de plus de quarante ans était toujours moins désirable que celui d’une jeune fille de dix-huit ans.

En ce qu’elle est généralisation abusive, cette doxa est déjà une absurdité : pour ne parler que de moi, j’ai toujours été (infiniment) plus attiré par une croupe aux formes pleines et bien cambrée chez une femme mûre que par des fesses plates chez une post-adolescente.

Mais cette idée reçue va aussi à l’encontre de certains de mes goûts sensuels les plus profonds. J’entends déjà le contre-argument des juvénophiles : certes, me diront-ils, une jeune fille de dix-huit ans peut être moins bien faite qu’une femme de plus de quarante ans, mais il y aurait l’incomparable fraîcheur, la douceur sans pareil, l’inégalable fermeté d’une peau jeune. C’est cet argument-là que je voudrais réfuter.

Tout d’abord, il peut y avoir, dans une peau mûre, un charme pour ceux qui sont sensibles à la beauté de l’automne, au bonheur du temps qui passe : pour ceux-ci, une ride, un amollissement de la chair, un léger desséchement de la peau, l’apparition de taches de son ne seront pas des signes de flétrissure, mais au contraire comme une patine émouvante et même un embellie glorieuse. (Comme, à l’opéra, le vieillissement d’une voix de soprano qui, dans le Chevalier à la rose, passe du rôle de Sophie à celui de la Maréchale.) Je suis de ceux-là, on l’aura deviné.

Mais ne sublimons pas outre mesure : je trouve aussi (et peut-être même surtout) une qualité sensuelle toute particulière à certaines peaux mûres. C’est que je suis – sur le plan visuel, sur le plan tactile – sensible aux textures et aux grains denses, complexes, riches, contrastés (et cela vaut aussi bien pour la peinture que pour la peau des femmes : j’ai instinctivement envie de toucher la matière d’un Rembrandt ou d’un Zao Wou-ki). Particularité sensuelle qui explique à l’évidence mon goût extrême (mon appétit immodéré, même) pour les peaux de certaines femmes mûres (comme sans doute cet autre, pour les peaux de certaines femmes noires).

Pour moi, ce qui est incomparable, ce n’est pas le lissé pâle – la fadeur, pour tout dire – des peaux jeunes : ce sont, par exemple, les sillons qui parcheminent en sécheresse le dessus d’une main tandis que la peau semble s’alourdir du poids de la chair sur les cuisses, les fesses ou les seins ; c’est la tavelure qui déploie sa granulation brune, rousse, fauve sur les épaules, les bras, le haut du décolleté tandis que sous la peau restée plus laiteuse des cuisses, des fesses et des seins ressort avec plus d’insistance le lacis bleuté des veines…

La femme admirable dont je parlais en commençant ces lignes m’a autorisé à photographier son corps. Ce sont ces photographies que je regarde cette nuit. Ce n'est pas l'une d'entre elles, bien sûr, qui illustre cet article, quoi que cen fût l’illustration idéale, mais cette photographie pornographique s’en rapproche au mieux (celle-là, je ne la retoucherai pas : je ne veux pas évoquer une image mentale, mais célébrer la matérialité d’une chair).

2 commentaires:

  1. :) que de vérité...
    La femme peut senitr ce même sentiment à l'égard d'un homme...
    La jeunesse à ses vertus, l'age mûr en à d'autres, les chairs sont diffèrente mais Le goût de l'une ou de l'autre reste à délicieuse.

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  2. Ah oui ?
    S'agissant de goût, c'est quelque chose de tellement complexe et subjectif, tout à la fois.

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