samedi 25 août 2012

Souvenirs III : Leurs fétichismes (1)



Les femmes qui m’ont fait l’honneur d’un peu de leur intimité, je me suis toujours émerveillé de leur imagination et de leur audace – et en particulier quant à leurs fétichismes. Peut-être parce que je me suis toujours montré disponible à cet égard (si je m’autorise parfois à me reconnaître une qualité érotique, c’est bien celle-là), ces femmes ont en effet toujours fait mon admiration en me priant de complaire de façon réitérée à tel ou tel désir précis et peu commun. A tel point que, moi qui n’ai que peu de ces aimables lubies érotiques (ma fantasmatique porte davantage sur des situations que sur des objets, des gestes ou des parties du corps), je suis grâce à elles devenu comme un amateur de fétichismes divers.

Ainsi, alors que je ne suis pas a priori un fétichiste des lunettes ou du pied, j’ai, grâce à leurs initiatives, appris le plaisir extrême que l’on pouvait prendre à se faire sucer par une femme ayant gardé ses lunettes ou à jouir sur des pieds chaussés et gainés de soie ou de nylon.

Lorsque nous sortions ensemble, S. partageait son studio de la rue Vavin avec une cousine aux horaires fluctuants et n’était de ce fait que rarement disponible pour des après-midis de volupté ou même pour de longs coïts. Qu’importe, d’ailleurs : nous avions d’autres plaisirs comme celui de visiter ensemble de « petits » musées (S. avait une préférence pour le Musée Rodin et le Musée Gustave Moreau) ou de musarder dans les allées du Luxembourg ou des Buttes-Chaumont. Souvent, lorsque je la raccompagnais chez elle et que sa colocataire était absente, il nous arrivait de prendre quelques plaisirs furtifs : le plus souvent nous nous branlions mutuellement à travers nos vêtements ; parfois, mais plus rarement, elle suçait ma bite sortie d’un pantalon juste débraguetté ou bien je broutais sa chatte à travers sa petite culotte, sa jupe seulement relevée – toujours avec un peu de fébrilité, à l’affut du moindre bruit sur le palier, suspendant nos gestes et prêts à nous rajuster chaque fois que quelqu’un montait les escaliers.

S. cultivait un style vestimentaire bourgeois très « grande dame » qui étonnait chez une jeune étudiante : je ne l’ai jamais vue en pantalon et elle ne portait que des chaussures à talons, si petits fussent-ils (mais à l’inverse, elle ne portait jamais rien de très olé-olé, jamais de minijupe ni de chaussures à plateforme).

Un jour que je lui en faisais la remarque, elle admit que si elle portait jupes, bas ou collants et chaussures à talons, c’était par un attachement érotique à ces vêtements, qu’elle jouissait de les enfiler et de caresser sa cuisse, sa jambe, son pied à travers eux, et prenait un plaisir physique à arpenter les rues dans cet appareil. Puis elle me dit, en baissant encore la voix (nous étions en train de visiter l’exposition Magiesau Musée Dapper), qu’elle aimerait, lorsque nous serions chez elle et si sa cousine est absente, que je me branle à genoux de façon à jouir sur ses pieds encore chaussés et gainés de nylon : il va de soi que j’acquiesçai.

Nous eûmes de la chance : la cousine était absente. Je m’exécutai donc et mon foutre eut tôt fait d’éclabousser ses pieds. Après coup, S. sembla un peu embarrassé : elle craignait qu’il s’agisse là d’une pratique bien égoïste, tournée vers son propre fétichisme et peu gratifiante pour moi. Je la rassurai. Cette sienne fantaisie m’avait tout autant comblé, si ce n’est davantage, que lorsqu’elle me branlait à travers mon pantalon ; en effet, outre le plaisir de jouir devant elle, pour elle et finalement sur elle (plaisir déjà gratifiant en lui-même), j’avais découvert deux choses pour moi absolument nouvelles.

D’une part, quant à elle : un léger spasme parcourant ses trait, une brève dilatation de ses pupilles lorsque le foutre avait giclé sur son pied puis, tandis qu’elle l’y laissait couler, une certaine entrouverture des lèvres et un regard à la fois écarquillé et lointain, comme myope (l’expression de quelqu’un qui allait parler puis se ravise et plonge dans ses pensées) – autant d’inflexions de son visage et de son regard que je ne lui avais pas connus jusqu’à ces instants : l’image, en somme, d’une autre S. se révélant soudain, ni celle que je pouvais contempler dans son orgasme ni celle qui me souriait lors de nos déambulation. D’autre part, quand à « la chose » en elle-même. Je venais de découvrir une singulière beauté sensuelle dans ce que S. m’avait ainsi donné à contempler : dans l’étrange contraste de matières entre le foutre blanc et translucide, sa consistance de fluide lourd et un peu poisseux, la texture à la fois arachnéenne et tendue du nylon, son noir à l’opacité moirée, le noir lui compact et luisant du cuir, avec cependant ses infimes craquelures de peau – mais aussi dans l’odeur très fine qui s’en dégageait, odeur du cuir, du foutre et d’une transpiration très douce et presque fade.

Lors de nos autres rencontres, quand bien même d’autres ébats devaient s’ensuivre, j’ai mis mon point d’honneur à assouvir ce fétichisme de S. – et, une autre femme me le demanderait-elle, je me ferais tout pareillement une joie de m’y plier.

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