Fin août,
début septembre : ce moment qui n’est déjà plus les vacances mais qui n’est
pas encore « la rentrée », il existe donc aussi ici, dans cette ville
du Moyen Orient. Rentré de mon séjour en Crimée, je retrouve la ville moins
bruyante et les derniers jours du ramadan accentuent encore cette impression
étrange (rues désertes et sombres, mais des lumignons aux balcons, des fenêtres
éclairées d’où montent des rumeurs joyeuses) ; les couloirs, les bureaux
sont presque déserts (beaucoup de collègues, ceux qui ont des enfants, ne seront de retour ici que pour la rentrée
du lycée français), des ventilateurs brassent un air encore chaud…
Cette
sensation – ville déserte, journées blanches, soirées longues et lentes, nuits
d’été, impression intérieure de flottement – je l’avais d’abord connue et aimée
lorsque je travaillais dans des bureaux près du métro Ternes. La sensation de
vide heureux que j’avais alors connue, après les heures de bureau, en déambulant
au hasard entre les boulevards des Maréchaux, l’Etoile, le Trocadéro, le
quartier de l’Europe, le parc Monceau et la gare Saint-Lazare, m’arrêtant parfois
dans des bars au style design du début des années 60 et où j’étais le seul
client, découvrant certaines rues totalement désertes de ces quartiers plutôt
luxueux avec l’impression étrange d’être hors du temps – cette sensation, je l’ai
retrouvée quelques années plus tard en lisant Quartier perdu de Patrick Modiano, dépeinte avec une acuité
prodigieuse dans ces notations minimalistes, dans cette narration lâche et
erratique qui sont le style même de leur auteur (ou du moins d’une partie de
son œuvre, celle qu’épargnent les ombres de l’occupation : en particulier Du plus loin de l’oubli et,
dernièrement, L’horizon).
A l’époque où
je l’ai lu, ce livre était déjà publié en édition de poche, dans la collection Folio.
Sa couverture, illustrée par Pierre Le Tan représentait, de nuit, cette pagode
de l’angle de l’avenue de Courcelles et de la rue Rembrandt, qui m’avait si
souvent servi de point de repère lorsque j’arpentais ce même « quartier
perdu ».
Quelqu’un saurait-il
pourquoi Pierre Le Tan, dont le style graphique correspondait si bien à l’univers
de Modiano, n’illustre plus les couvertures de l’auteur dans la collection
Folio ? J’aime moins les photos en noir et blanc qui, depuis Dora Bruder je crois, ont remplacé ces
dessins.
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